Garder des secrets dans son couple, c’est tabou.

Et encore plus difficile d’admettre un tel comportement. À preuve : personne n’était prêt, même sous le couvert de l’anonymat, à témoigner pour un sujet aussi épineux. Parce que, qui aime ne compte pas. Et qui aime… est un livre ouvert pour son conjoint ?

Les sondages à ce sujet sont surprenants. Un sondage mené par une firme californienne en mars dernier dévoilait qu'un américain sur cinq ne dévoilait son salaire à personne, incluant à son conjoint ! Une autre enquête faite plus tôt cette année dévoilait que 32 % des Américains ont été infidèles financièrement (dépenses, dettes ou cartes de crédit cachées), comportement que 11 % des gens sondés qualifiaient de pire que l’infidélité. Et un sondage britannique mené en 2014 dévoilait que trois hommes sur dix tournaient volontairement les coins ronds en faisant du ménage, dans l’espoir que leur conjointe s’en chargerait à leur place !

Certains de ces sondages sont à la limite risibles, c’est vrai. Dans un couple, les secrets ne se valent pas tous. Et chacun les garde pour ses raisons propres. « Chacun a droit à son jardin secret, même dans un couple, avance Jocelyne Bounader, psychologue clinicienne en thérapie conjugale. Certains choisissent, par exemple, de ne pas parler de leur passé pour éviter de revivre des traumatismes. On a le droit d’avoir des choses qu’on garde de notre conjoint, tant que ça ne touche pas au couple. Une infidélité, ça ne peut pas faire partie de notre jardin secret. »

On peut volontairement garder des secrets qui ne feraient que faire de la peine à notre conjoint, comme une antipathie pour sa famille. Dire « je déteste ta sœur » risque de blesser l’autre sans apporter du concret à la relation. Même chose pour les loisirs et les goûts personnels de l’autre qu’on ne partage pas. On n’apprécie pas les soirées de lutte ni sa chemise préférée, ou on trouve le golf insignifiant? Qu’importe puisque ce ne sont pas nos loisirs et nos goûts !

« On n’a pas à délaisser nos goûts et nos péchés mignons pour être en couple. Et on n’a pas à mentir, ni à tout dire. C’est pourquoi ça peut être une bonne idée, pour les dépenses par exemple, d’avoir un compte conjoint pour les dépenses du couple, mais de se garder chacun un compte pour nos dépenses personnelles. Ainsi, à partir du moment où on s’entend sur les dépenses communes, chacun dispose de montants discrétionnaires à dépenser comme bon lui semble, conseille la psychologue. Dans chaque couple, c’est important d’avoir un espace commun et un espace individuel. »

C’est le niveau de confiance qui règne dans le couple qui détermine combien on dévoile, ou pas, à l’autre. « Est-ce que la relation est sécurisante ? Quand on se sent en confiance, on a généralement moins besoin de garder de secrets, estime Jocelyne Bounader. Pour certains couples, cela se fait rapidement. Pour d’autres, c’est plus long, surtout s’il y a eu des hauts et des bas dans la relation ou qu’on a vécu une relation difficile par le passé. » Et pour établir cette confiance, certains éléments sont incontournables : il faut que le conjoint nous accepte tel qu’on est, sans essayer de nous changer et en tentant de comprendre plutôt que de juger, par exemple.

« La confiance se bâtit peu à peu lorsque l’autre accepte et soutient nos moments de grande vulnérabilité, où on se dévoile, en offrant du soutien et en évitant les jugements. Il ne peut avoir d’intimité émotionnelle sans vulnérabilité! Dans un monde idéal, les couples qui sont bien ensemble s’acceptent autant dans les moments de force que de vulnérabilité. » Cette vulnérabilité laisse la place aux confidences et amoindrit le besoin de garder des secrets.

Parce que, on le sait, même le couple le plus amoureux ne s’entendra jamais sur tout. Mais ça ne dispense personne d’écouter l’autre et de travailler à le comprendre. « Sans tout régler, juste sentir que l’autre nous a écouté, c’est suffisant pour bâtir la confiance, résume la psychologue. Savoir que l’autre est là, qu’il nous accepte comme nous sommes et que notre bonheur lui tient à cœur jette les bases d’une relation solide. »