Balado De temps et d’argent

Épisode 3 : Quand maman entre à l’université

Mère de 3 garçons, coiffeuse et prof de zumba, Maryka rêve de devenir enseignante. La fougueuse jeune femme raconte à l’animateur Stéphane Fallu son retour aux études à temps plein… alors que sa vie était déjà bien remplie. Une histoire de courage, d’audace et de fierté.

Stéphane Fallu (S - )

Bonjour tout le monde ! Bienvenue à De temps et d'argent. Ça, c'est un balado, en collaboration avec la Sun Life, où nous parlons avec des gens d'ici de l'influence de l'argent sur leur quotidien, leur santé, leur bien-être. Je m'appelle Stéphane Fallu.

Oui, oui c'est moi ! Je ne donne pas de conseils financiers, ce n'est pas mon travail.

Non, non, non ! On va parler avec des gens avec des histoires hyperintéressantes.

Et aujourd'hui, je suis content de recevoir Maryka Houle.

Je suis content de te rencontrer, salut, Maryka!

Maryka Houle (M - )

Moi aussi je suis contente d'être là, merci!

S -  Maryka, juste un peu discuter, parler de toi, au début pour que les gens te connaissent un peu. Maryka, toi tu es une maman.

M - Oui!

S - Une maman qui a...

M - Trois garçons, ouais!

S - Quels âges?

M - Douze ans, six ans et trois ans.

S - Tu habites dans quel coin?

M - J'habite dans la région de Drummondville.

S - Le même chum depuis longtemps ? Si ce n'est pas indiscret.

M - Oui, ça va faire 14 ans qu'on est ensemble bientôt.

S - Avoir une famille, c'est un gros défi.

M - Oui, c'est un défi tous les jours, surtout avec mon retour aux études. Ça complique un petit peu les choses.

S - OK attends, retour aux études! Toi, tu as tout ça, trois enfants, dont un en jeune âge puis tu décides de retourner à l'école. Quel est l'élément déclencheur?

M - L'élément déclencheur? Moi, je donne des cours d'entraînement, ça fait plusieurs années, puis je me suis rendu compte en fait que j'aimais ça être à l'avant, j'aimais ça animer. Mais, pour moi, l'université n'était pas un choix valable dans mon jeune temps. Donc, j'ai décidé de m'inscrite un Baccalauréat en enseignement. Je me suis inscrite pour 4 ans, avec les enfants et le travail par-dessus ça. C'est un gros projet!

S - Un gros projet, comment ton chum a pris ça? C'est une décision familiale qui est importante.

M - Ouais! En fait, au début, je voulais faire ça en douce un petit peu. Je me suis dit: «Je vais m'inscrire au Certificat, puis par la suite je vais faire quelques cours, je vais travailler et le chemin suivra son cours». Mais, je n'ai pas été capable de me retenir et j'en ai parlé à mon conjoint. Puis c'est lui qui m'a vraiment offert, il m'a dit: «Bah, pourquoi tu n’irais pas faire ton Baccalauréat à la place?».

S - Ah! Wow!

M - Je lui ai dit: «Ouin, mais là, ça l'engendre 4 ans à temps plein». On avait deux bons revenus, on allait se retrouver avec un salaire. Je travaille, mais les études coûtent chères aussi. Donc, ça a été une grosse discussion quand même.

S - Comment on annonce ça à des enfants que maman retourne à l'école quand eux commencent l'école où sont déjà à l'école?

M - Je pense que mes enfants sont quand même habitués. Je suis une fille qui est remplie de projets. Je pense qu'ils n'ont pas été surpris, mais j'ai trouvé ça bien émouvant de prendre notre première photo d'école, chacun avec nos sacs à dos. J'ai vraiment un beau souvenir de ça.

S - Oui, ça doit être un beau souvenir! Bon, il y le rêve, on retourne à l'école, on fait le choix, on décide ça puis on arrive à l'école et là comment c'est dans la vie? Parce que d'habitude, à l'Université, après ça tu vas prendre des pintes avec des amis… Toi, ce n’est pas le cas?

M - Non, c'est ça. Je dirais que c'est ça que j'ai trouvé le plus difficile. Dans le sens que moi, ça faisait longtemps que je n'allais plus à l'école. De retourner, de réfléchir autant, d'être assise pendant... Des fois, j'ai six heures de cours ! C'est difficile pour moi qui suis très active.

J'avais beaucoup de difficulté. Puis les jeunes, des fois, ils comprennent beaucoup plus rapidement. Ils sont déjà habitués, ils partent du Cégep, du secondaire. Donc, pour moi, ça a été vraiment difficile.  

Mes premiers six mois, j'ai pleuré beaucoup. J'étais fatiguée, épuisée.

J'essayais de travailler, je faisais des devoirs jusqu'à 11 heures, minuit. Les enfants, s'ils sont malades où... On n’a pas la même réalité du tout.

S - Pas du tout! C'est une nouvelle réalité, à travers tout ça, tu as un salaire aussi ?

M - Oui, moi je travaille quand même un petit peu, mais ça couvre plus mes dépenses d'école.  Je n’ai pas de prêts et bourses, je n'ai pas de bourses en fait. C'est sur que le salaire a vraiment diminué.

M – Est-ce que c'est ce que tu t'attendais? À voir tes cours, est-ce que tu te disais: «Bon, je vais être capable» ou «Eh bo-boy! C'est plus dur que je m'en attendais» ?

M - Je dirais qu'il faut se donner du temps. Je me suis donné 6 mois au moins. Au début je me disais que je n'étais pas capable, que je n'étais pas assez bonne, je travaille fort, mais je n'arrive jamais au même niveau que les plus jeunes.

J'avais beaucoup de pression, mais cet été, avec les cours, ça va de mieux en mieux, l'organisation va de mieux en mieux. Puis, je me rends compte que oui, je suis capable puis j'aime ça.

S - Puis du côté de ton chum, est-ce qu'il en prend plus sur ses épaules un petit peu?

M - C'est sur que mon conjoint, il vient tout juste de changer d'emploi.

S - OK, en plus!

M - Oui, mais l'emploi qu'il avait auparavant : de nuit, de jour, de nuit, de jour… sur les 12 heures, en rotation. Donc, il n'était pas vraiment là et c'est moi qui gérais vraiment plus l'organisation de la famille.

S - Puis là, il a un emploi avec un horaire plus stable?

M - Oui, il vient juste de changer. Ça aussi, ça a été de grosse discussion, parce qu'il diminuait beaucoup de salaires, mais s'achetait une qualité de vie on pourrait dire.

S - OK, on parle de qualité de vie. À travers tout ça est-ce que tu as quand même une certaine qualité de vie? Parce que tu le sais que c'est du long terme, du long terme ça prend des sacrifices.

M - Oui.

S – Est-ce que tu aimes cette vie-là pareil?

M - Oui, j'aime ça, mais j'ai quand même hâte de terminer, j'ai hâte de travailler à temps plein. De toute façon, j'ai tellement de travaux puis de devoirs que je n'ai pas tant le temps de dépenser pour l'instant.

S - Maryka, toi tu veux être une professeure. À quel niveau tu aimerais enseigner?

M - Moi, je fais mon baccalauréat au préscolaire/primaire, mais j'aime beaucoup le troisième cycle, j'aime beaucoup les grands.

S - Oui, les grands!

M - Les préados, oui!

S - Les préados… Quand tu vas devenir un prof, pas si tu deviens, quand tu vas devenir, est-ce qu'il y a quelque chose que tu aimerais montrer aux jeunes ? Ton énergie, ton expérience, y’a-tu quelque chose que tu aimerais amener de différent ?

M – Déjà, quand je fais de la suppléance, des fois, les élèves ne comprennent pas pourquoi je suis étudiante à mon âge. Puis là, je leur explique que moi j'avais un rêve, puis que je suis en train de le réaliser.  J'ai appris qu'il n'est jamais trop tard puis qu'on peut avoir plein de métiers si on veut. Donc, c'est ça.

S - On peut réaliser des choses, puis savoir ce qu'on a le goût de faire. Parce qu’aussi, quand tu étais jeune peut-être, des fois c'est dur à 16 ans décider: «Moi, je veux être ça».

M - Je pense qu'on ne se connait pas.

S - On ne se connait pas du tout !

M - Non, c'est difficile. Il y a tellement de choix, puis, moi, personnellement dans ma famille, on était une grosse famille. L'Université pour moi ce n'était pas... Je pensais que c'était les médecins, je me disais que je n'étais pas assez brillante pour aller à l'Université.

Je voyais ça gros.

Puis, quand j'ai reçu ma lettre d'acceptation à l'Université, juste d'avoir le papier «Vous êtes acceptée», j'étais comme: «Oh mon dieu!» Je pense que ça aurait été assez! Des fois je ne réalise pas encore, je suis là et je vois ça gros. Mais je me dis que, bien oui, je suis capable!

S - Ça vient d'où cette gêne-là, de te dire: «Ah, moi, je ne peux pas»?

M - Je pense que quand j'étais plus jeune, j'étais moins bonne à l'école. J'avais de moins bons résultats, ma concentration était plus difficile, mais j'étais une bonne élève quand même. Je participais, mais c'était plus difficile pour moi.

Je ne me rappelle de m'être assise avec mes parents pour faire des devoirs. Ça a tout le temps été difficile. Je passais «sur la fesse» comme on dit! Je pense que c'est pour ça.

Je m'enlignais vraiment pour un DEP, même le Cégep ce n'était pas dans mes choix. Je suis allée faire un DEP, puis après ça je ne suis jamais retourné à l'école depuis.

S - Juste m'informer, tu as fait un DEP en quoi?

M - En fait, j'ai commencé en sortant du secondaire, j'ai commencé un DEP en soins infirmiers, comme infirmière auxiliaire. Je n'ai pas aimé ça, donc j'ai quitté tout de suite après mon stage, je suis entrée en coiffure. Je n'ai pas perdu de temps. La semaine d'après, j'étais en coiffure. Donc, j'ai fait un DEP en coiffure. J'ai travaillé 15 ans en coiffure.

S - Tu as travaillé 15 ans dans les salons de coiffure, OK. En plus, tu donnes des cours de Zumba?

M - Oui, je suis instructrice de cours en groupe. Je donne des cours de Zumba, de Step, de Cardio Pump, de Crosstraining, tous les cours sur musique.

S - Toi, avoir des temps libres, est-ce que c'est une activité chez toi?

M – (rires) Pas beaucoup, je n'aime pas beaucoup les vacances. Je me dis toujours qu'en tant qu'enseignante, je ne sais pas ce que je vais faire l'été.

S - Tu vas aller dans des campings faire des cours de toutes sortes! Tous tes voisins vont faire de la musique de matin, faut bouger!

M - Probablement!

S - Si tes enfants te disent: «Maman, ça ne me tente pas d'aller à l'Université, ça me fait peur, je ne suis pas assez bon», ça va être quoi ta réaction?

M - Ça, ça va être dur! C'est sur que je vais essayer, je vais leur faire écouter mes podcasts, je vais leur faire écouter mes entrevues…

Je vais leur montrer tout le chemin auquel j'ai passé puis qu'il n'y a jamais rien de rose. Il y a des embuches, mais c'est ça la vie. C'est sur que je vais les encourager à foncer.

S - À se réaliser, je pense que c'est ça qui est important. Quand on regarde nos p'tits poux, on veut ce qu'il y a de mieux pour eux, mais on ne veut pas non plus les mettre dans un nuage puis que tout est beau. C'est avec le travail que tu peux réaliser de belles choses.

M - C'est ça. Je le dis déjà à mon grand, je lui dis: «Tu sais, tu vois les résultats. Maman travaille fort, j'étudie le soir la fin de semaine, puis pour avoir des résultats, il faut travailler». J'essaie déjà de leur inculquer ça.

S - C'est bon ça! Quand on décide d'avoir un retour à l'école, tu sais, toi, tu as ton emploi, ton chum aussi, vous avez un beat de vie. Est-ce que c'est facile de changer son rythme de vie? Parce que veut, veut pas, il y a des sacrifices qu'on doit faire. Est-ce que c'est quelque chose qui se fait de façon organique où c'est parfois un peu déchirant?

M - Oui ben… c'est dur pour moi, parce que, je suis vraiment une dépenseuse compulsive.Je dépense beaucoup, je me gâte beaucoup, puis mon conjoint, lui, est vraiment beaucoup plus économe.  Donc, c'est sûr qu'il a fallu discuter de ça.  «Maryka, il va falloir couper à des endroits, tu ne pourras plus magasiner autant». Des fois on se dit «Ah! Oui, oui! Je vais le faire», mais quand arrive le moment, là c'est plus difficile.

S - Avec les enfants, les enfants est-ce qu'ils sont fiers de leur maman?

M - Oui, ils me le disent souvent.  Ils me disent : «Maman, tu es bonne !».

Puis des fois quand j'arrive avec des notes à l'école... C'est sûr que mon grand vient de rentrer en secondaire 1, donc il réalise plus les efforts que je fais. Il me voit travailler, il me voit dans mon bureau, il m'a vu pleuré, il m'a vu rire. Donc, oui, je la vois la fierté dans leurs yeux. Je pense que c'est de belles valeurs à leur montrer de foncer quand tu as un rêve.

S - On a une vie, puis il nous manque quelque chose. Qu'est-ce que tu peux dire aux gens, tu sais, le petit oumf de plus? Est-ce qu'il y a un conseil que tu pourrais nous donner là-dessus?

M - Bah, en réalité, je dirais juste : «Fonce!».

Pour arriver au sommet, va falloir faire des efforts. Puis moi, je me dis toujours, j'en ai une vie. J'en ai une vie à vivre, puis ce n'est pas vrai que je vais vivre avec des regrets, avec des «j'aurais donc dû».

Ça a l'air cliché, mais c'est ça pareil.  Quand j'entends les gens me dire: «Ah, tu es chanceuse!». Ben non, vas-y si tu ne l'aimes pas ton travail, fonce! Puis, des fois, le monde dit qu'il leur en reste 15 ans. Oui, mais, même s'il m'en restait trois, si c'est trois de bonheur que je vais aller chercher.

Tu sais, pour moi, ça n'a pas d'importance, pour moi, je dis: «Fonce!».

S - Ouais! Tantôt tu parlais de dépenses impulsives, c'est quoi une dépense impulsive à peu près?

M - Ouf! Moi, j'aime beaucoup les vêtements ! Je suis vraiment typiquement fille, les vêtements, les chaussures, les petits cafés, les petits muffins. L'argent me brûle les doigts. Je n'accumule pas, je ne mets pas d'argent de côté, moi, dans la vie.

Mon conjoint est beaucoup plus économe, il apprend vraiment à me tempérer.

Lui, il l'est peut-être un petit peu trop, mais un juste équilibre. Ça serait bien d'en mettre de côté, on peut dépenser un petit peu, mais je n'ai pas besoin de 25 paires de jeans.

S - Non, pas du tout! Est-ce que c'est l'influence souvent?Parce que moi je venais d'un milieu, ma mère était économe. Il ne fallait pas dépenser. À un moment donné, je fais: «Bien là, je ne peux pas vivre ma vie comme ça». Tu sais, souvent on apprend aussi de la notion de l'argent quand on est jeune. Toi, dans ta famille, quand tu étais jeune, est-ce que ça se passait bien ou le rapport avec l'argent était un peu bizarre parfois?

M - C'est sur que moi, je viens d'une famille de sept enfants. Donc, ça fait quand même longtemps que je paie mes choses. J'ai commencé jeune à travailler, à payer mes choses, donc je pense que ça ne m'a peut-être pas tant été montré à placer des sous.

Je dépensais, je m'achetais des vêtements, jeune, je payais mon permis de conduire. Ça a juste roulé comme ça. J'ai continué à dépenser puis à faire virer l'économie.

S - J'aime ça! C'est vrai que ça peut être dans un couple... Tu sais, l'argent c'est un sujet tabou. Tu peux parler de plein de choses, de ne pas te ramasser, d'être en retard, mais l'argent, lorsqu'on discute d'argent, c'est quelque chose qui est problématique souvent.

M - Moi, personnellement, ça ne me gêne pas de le dire, mais s'il y a une source de conflit dans notre couple, c'est l'argent. C'est notre plus gros problème.

S - C'est le plus gros problème, mais au moins quand on sait qu'il y a un problème, on le règle!

M - Oui, mais ça ne se règle pas si facilement. Je suis une dépenseuse, donc c'est dur de dire: «OK, là, je ne dépense plus». Ça revient tout le temps au galop le goût de dépenser, mais on s'en sort bien quand même.

S - Vous en sortez bien! Maryka, tu as une histoire de vie très intéressante.

M - Ah! oui, tu trouves ?

S - J'aime la façon que tu te challenges toi-même. Autant que tu es une fille avec plein d'énergie, mais plein de doutes.

M - Oui, vraiment, c'est vrai ! Je suis une fille de défis. Des fois les gens pensent que je suis sûre de moi parce que je fonce… Mais non, je suis très insécure à chaque projet, mais je fonce, en avant.

S - On fonce toujours en avant. Une petite question comme ça, est-ce que tu as hâte que toute l'école, l'Université soit terminée, que tu aies ton papier, puis de recommencer à voir un salaire de prof. As-tu hâte à ce moment-là ?

M - Tu fais juste le dire puis j'ai la chair de poule, c'est oui ! Puis, j'ai fait beaucoup, beaucoup de cours cet été pour que ça l'avance plus vite. Parce que j'ai l'impression, tu sais, je ne veux pas mettre de pression, mais j'ai une famille en arrière de moi qui attend. Ce n'est pas juste un projet de Maryka, c'est un projet de vie, de famille.Donc il faut que ça l'avance, pour qu'on termine le plus rapidement.

S - Merci beaucoup, Maryka, c'était vraiment super intéressant!

M - Merci!

S - Bonne chance dans tes projets, salue ta petite famille puis tu diras à ton chum qu'il s'achète une chemise, ça va lui faire du bien aussi!

M - Je vais lui faire le message!

S - Parfait!

(MUSIQUE)

Merci tout le monde ! Merci d'avoir écouté !

L'argent, on peut réaliser que ça joue un rôle énorme dans nos vies. Mais c'est pas toujours facile d'en parler. Je pense que c'est important d'en discuter de manière ouverte et franche parce que ça peut améliorer notre santé mentale, physique ou financière.

Si vous avez des questions, ben, vous pouvez trouver des ressources pour vous aider à Sunlife.ca

Merci d'avoir écouté cet épisode du Balado De temps et d'argent ! Mon nom est Stéphane Fallu. Ce fut un plaisir !