Saviez-vous qu’une personne sur cinq au Canada aura un trouble mental ou un problème de santé mentale? C’est ce qu’affirme l’Association canadienne pour la santé mentale (ACSM)

Pendant la Semaine de la santé mentale, l’ACSM illustrera comment se soigne et se manifeste la santé mentale. L’art, les photos, la musique, les sons, la danse, le mouvement et la nature peuvent tous aider.

Les problèmes de santé mentale touchent également des millions de personnes dans le monde. Nous avons beaucoup à faire pour qu’ils deviennent une priorité mondiale. En partenariat avec Unsinkable, j’ai eu l’occasion de rencontrer Megan Kee, une championne des milieux communautaires. Elle utilise le pouvoir de l’art pour améliorer concrètement les choses.

Megan est fondatrice et directrice de Twentytwenty Arts, un organisme à but non lucratif qui crée des projets artistiques à portée sociale. Elle est également la fondatrice et la directrice de création de Twentytwenty Design. Cette agence de conception et marketing travaille avec des associations caritatives, des organisations à but non lucratif et des entreprises sociales.

L’art est un moyen efficace de raconter des histoires et de rallier les gens autour d’une cause commune. Voici l’essentiel de ma conversation avec Megan :

Q : La santé mentale touche notre vie ou celle de nos proches de différentes manières. Comment a-t-elle bouleversé votre vie?

R : La version courte, c’est que je vis avec un trouble bipolaire. Ça a créé bien des défis dans ma vie. La version longue est plus compliquée. La voici.

J’ai commencé à ressentir des vagues d’émotions assez intenses à l’âge de 15 ans. C’est commun à l’adolescence, mais chez moi, les vagues n’arrêtaient jamais. J’ai commencé à soupçonner que j’étais bipolaire au début de la vingtaine. Le diagnostic officiel n’est arrivé qu’à 31 ans.

Avant de recevoir ce diagnostic, je vivais des hauts et des bas étourdissants. Je vivais d’intenses moments de connexion, suivis de tout aussi intenses moments de désespoir. Alors que je vivais ce chaos émotionnel, mon frère Jay est mort d’une surdose. Ça m’a profondément ébranlée. Je n’avais jamais vécu une telle perte et je me sentais perdue. J’avais des crises de panique tous les jours. Je pleurais à mon bureau. J’ai eu des idées suicidaires. Puis, après sept mois de chaos, j’ai commencé à y voir plus clair.

Dans les moments de silence, j’ai réalisé que mon frère aurait voulu que je sois heureuse. Depuis sept mois, je m’obstinais à penser à sa mort, en oubliant de penser à sa vie. Peu à peu, au lieu de me morfondre, j’ai commencé à éprouver de la gratitude pour le temps que nous avions eu ensemble.

Ce nouvel état d’esprit a tout changé.

Je voulais reprendre ma santé en main, parce que je savais que Jay aurait voulu que je sois heureuse. Je me suis donc mise à mieux manger, à faire de l’exercice tous les jours et à méditer. J’ai commencé à écrire dans un journal, à faire du yoga et à prendre mes vitamines. Je me suis aussi éveillée à mon environnement. J’ai commencé à écouter mon intuition, à prévoir des moments de silence. Et j’ai arrêté de m’en faire pour les choses qui sont hors de mon contrôle.

Ces changements ont fait de moi la personne que je suis aujourd’hui, plus résiliente que jamais. Les hauts et les bas sont toujours là. Mais avec ce nouveau mode de vie (et la thérapie!), ils sont beaucoup moins intenses.

Q : Pourquoi avez-vous choisi de fonder Twentytwenty Arts?

R : Twentytwenty Arts a été une sorte d’accident de parcours. Quand j’ai entamé ma carrière dans les arts en 2013, je n’avais aucune intention de fonder un OBNL. Mais après la mort de Jay, en mai 2016, j’ai réalisé que la vie était courte. Je ne voulais plus m’empêcher de suivre mes convictions. J’ai donc arrêté d’avoir peur, et j’ai essayé de nouvelles choses.

En 2018, j’ai créé Life on the Line (en anglais), une exposition dans le métro de Toronto. Des impressions étaient vendues dans la boutique de la Commission de transport. En planifiant le projet, je me suis rendu compte que ce serait plus efficace de procéder en tant qu’organisme. Et c’est ainsi qu’est né Twentytwenty Arts. La dernière édition de Life on the Line s’est tenue du 7 au 10 octobre 2022.

Mon objectif avec mon organisme est d’allier art et changement social. J’ai toujours préféré utiliser le pouvoir de l’art pour inciter les gens à agir. Pour moi, les deux sont indissociables.

Q : À votre avis, comment l’art favorise-t-il une bonne santé mentale?

R : Le pouvoir de l’art touche autant les créateurs que le public. Pour les créateurs, l’art peut être un moyen s’ancrer dans le moment présent. Un moyen de lâcher prise, de se concentrer sur le processus et d’explorer ses émotions. Pour le public, l’art peut être source de joie ou de tristesse. Il peut faire naître des émotions impossibles à exprimer avec des mots.

L’art explique le monde dans lequel on vit, depuis toujours. Même les peintures rupestres, vieilles de 64 000 ans, aidaient les humains à comprendre leur monde. Voilà pourquoi l’art a joué un rôle important dans chaque grand mouvement politique et culturel. C’est vrai aussi pour la crise de santé mentale actuelle.

Q : Avec Twentytwenty Arts, de quoi êtes-vous la plus fière?

R : Je dirais Weathered, une campagne de sensibilisation aux surdoses inspirée par mon frère. Nous avons demandé aux gens ayant perdu un proche à cause d’une surdose d’envoyer une photo de ses souliers. Le projet coïncidait avec la Journée internationale de sensibilisation aux surdoses. Nous avons recueilli plus de 10 000 $ pour le site de prévention des surdoses de Street Health.

La vraie incidence de nos projets, ce sont les conversations qu’ils génèrent. Avec Weathered, j’ai reçu plein d’appels de mères qui avaient perdu un enfant et voulaient m’en parler. Ça me brisait le cœur. Mais ça montrait aussi l’importance de créer un espace où les gens peuvent raconter leur histoire ou celle d’un proche.

Q : Parlez-nous de votre lien avec Unsinkable.

Lorsque j’ai écrit mon histoire pour Unsinkable (en anglais), c’était la première fois que je réfléchissais à mon parcours. Non seulement cette expérience a été libératrice, mais elle m’a aussi permis d’apprécier le chemin parcouru. On peut citer sans fin des statistiques sur la santé mentale. Mais rien ne se compare aux témoignages pour donner une dimension humaine à notre expérience. Ils font la lumière sur l’aide qui est vraiment nécessaire. 

Unsinkable offre une plateforme qui permet aux gens de voir et d’être vus. On y défend les gens vulnérables en leur accordant la parole. Les lecteurs peuvent y embrasser la pluralité des expériences vécues en santé mentale. Je suis très reconnaissante du rôle qu’a joué et continue de jouer cette organisation dans mon parcours.

Q : Pour faire de la santé mentale une priorité, que reste-t-il à faire selon vous?

R : Mis à part bonifier les services sociaux, il faut cesser de faire passer l’argent avant les gens. On met tellement de pression sur les employés pour qu’ils produisent plus, plus rapidement et avec moins. Je pense que ce serait aux entreprises de s’ajuster à leurs employés, et non le contraire. 

Je remercie Megan pour sa sensibilité et sa franchise. Tout le travail que font les OBNL, les organismes de bienfaisance et locaux pour mettre la santé mentale au premier plan ne passe pas inaperçu. 

J’espère que l’histoire de Megan vous a inspiré. J’espère également que vous trouverez des moyens de faire de la santé mentale et du bien-être une priorité, chaque jour de l’année.  

Si vous connaissez quelqu’un qui a besoin d’aide, n’hésitez pas à en demander :