Se séparer après 41 ans de mariage a été pour Jacques la décision la plus difficile de sa vie. Il avait trois enfants adultes et la majeure partie de sa vie professionnelle était derrière lui, et il a passé des heures en counseling et près de 10 ans à se débattre avec les options avant de déménager dans un petit appartement.

«À 65 ans, on veut pouvoir dire qu’on vit bien, mais ce n’était ni le cas de ma femme ni le mien, affirme-t-il. Aujourd’hui, ce n’est pas rose tous les jours. Je m’ennuie beaucoup de la famille, notre histoire commune me manque.»

Jacques a décidé de demander une séparation de corps de sa femme plutôt qu’un divorce pour que celle-ci puisse continuer à bénéficier de la couverture des frais médicaux de son employeur. Ils sont parvenus à une entente et sont demeurés en bons termes.

Un phénomène en croissance

Jacques fait partie d’un nombre croissant de Canadiens qui décident de se séparer à un âge avancé. Selon Statistique Canada, le taux de divorce chez les personnes de 55 ans et plus est en hausse constante. Souvent appelé «divorce gris», ce phénomène devrait s’intensifier avec le vieillissement de la population. Le mariage demeure la structure familiale dominante, mais selon les données du recensement, il ne représente que 67 % des familles au pays, alors que cette proportion était de 91,6 % en 1961, avant l’adoption de la Loi sur le divorce.

«Le divorce est événement malheureux, mais il n’est pas nécessaire qu’il soit conflictuel. Les deux ex-conjoints éprouveront de la tristesse; après tout, l’histoire et les valeurs familiales sont ancrées profondément,» explique Marion Korn, avocate en droit de la famille et partenaire pour Mutual Solutions. Mme Korn et son associée, Eva Sachs, CFP, accompagnent leurs clients de la région de Toronto tout au long de leur divorce. Elles ont constaté une hausse marquée du nombre de clients dans la cinquantaine qui décident de mettre un terme à leur union.

Aspects financiers du divorce gris

Ceux qui décident de divorcer à un âge avancé doivent relever des défis particuliers, comme prendre en main ses finances personnelles. Voici quelques éléments importants dont il faut tenir compte lors d’une séparation :

  • Faites l’inventaire de vos biens. Rassemblez tous les documents concernant votre situation financière personnelle — déclarations de revenus, relevés de paie de l’année courante, relevés de prestations de votre employeur, contrats d’assurance, relevés de retraite et données sur tous les comptes enregistrés (REERFERRCELI et REEE). Trouvez tous les renseignements sur les biens immobiliers de la famille : valeur de la propriété, relevé d’impôt foncier de la demeure familiale, du chalet, des immeubles locatifs, factures de services publics, reçus de travaux d’entretien ou de réparation et relevés des revenus de location et des dépenses pour tous les biens immobiliers.
  • Dressez la liste de vos dettes. Rassemblez tous les renseignements que vous avez sur vos prêts en souffrance et vos dettes autres que votre prêt hypothécaire, comme les marges de crédit, les cartes de crédit et les prêts-auto. Une vue d’ensemble de vos biens et de vos dettes peut vous aider à prendre des décisions pour l’avenir.
  • Mettez vos désignations de bénéficiaires à jour. Comme pour tout grand changement, il est important de mettre à jour les différents bénéficiaires des comptes de placement et des contrats d’assurance.
  • Pensez à regrouper vos éléments d’actif. Après une séparation, il est courant de trouver de l’actif à plusieurs endroits une fois qu’on s’approprie tous ses comptes. Regrouper son actif auprès d’un conseiller digne de confiance comporte de nombreux avantages. Un conseiller s’assurera que vous changez les bénéficiaires de vos contrats d’assurance ou de vos comptes REER. Le regroupement de tous vos placements sous un même toit pourrait aussi vous rendre admissible aux frais de gestion réduits.
  • Mettez votre testament à jour. Il pourrait être sage de réviser votre plan successoral pour que votre testament tienne compte de votre nouvelle situation. Un avocat en qui vous avez confiance peut vous aider à vérifier si les changements apportés reflètent bien vos intentions.

Refaire sa vie grâce aux médias sociaux

Grâce aux nouvelles technologies, de nombreux divorcés ne sont plus condamnés à la solitude. «Les études montrent que 80 % des divorcés tardifs sortiront avec de nouvelles personnes et 30 % se remarieront. Les médias sociaux procurent un sentiment de sécurité : il y a 15 ou 20 ans, il fallait envisager de vieillir seul, mais maintenant nous avons des outils pour entrer en contact», explique Mme Sachs.

Johanne* fait partie de cette catégorie. Après 20 ans de vie commune, son mariage s’est mis à battre de l’aile quand elle a découvert que son mari entretenait une liaison avec une amie de la famille. Ils ont entamé des procédures de divorce pénibles qui se sont terminées en cour un an plus tard. Johanne a fait appel à son conseiller pour comprendre ses finances et planifier son avenir.

«Mon conseiller s’est assis avec moi et m’a aidée à établir un plan – mes revenus, mes dettes, mes biens, explique-t-elle. Pour tout dire, j’avais besoin de faire ça. Ça m’a fait prendre conscience que ça irait et que j’avais les moyens d’être autonome.»

Au début, la perspective de refaire sa vie après 27 ans de mariage la rebutait. Johanne a reçu l’aide de sa fille pour faire son profil sur un site de rencontre, ce qui lui a permis de rentrer en contact avec Paul, un ami qu’elle avait perdu de vue après le secondaire. Il y a quatre ans, Johanne et Paul se sont mariés lors d’une cérémonie intime.

«Il y a cinq ans, jamais je n’aurais cru que ma vie serait ce qu’elle est aujourd’hui, lance-t-elle. La vie est beaucoup plus belle que ce que j’aurais pu imaginer.»

* Nous avons changé les noms pour protéger l’anonymat des personnes interviewées.