Quand il s’agit d’argent, vous concentrez-vous surtout sur vos finances quotidiennes? Voici comment vous pouvez réconcilier les priorités d’aujourd’hui et les rêves de demain.
Maison intergénérationnelle : mode d’emploi
La cohabitation intergénérationnelle n’est pas seulement une affaire de cœur, c'est aussi une affaire d’argent. Alors, faites les comptes avant de faire le saut.
La cohabitation intergénérationnelle peut présenter plusieurs avantages, mais, avant de se lancer dans un tel projet, il faut bien réfléchir à tout ce que cela implique. Par exemple, au-delà des enjeux humains, il y a aussi des questions financières. Voici quelques-uns des éléments à considérer avant de faire le saut.
Selon le gouvernement du Québec, une maison intergénérationnelle est « un concept d’habitation qui permet à une famille de cohabiter avec ses parents vieillissants, dans une maison unifamiliale composée de deux logements indépendants de tailles différentes ».
Avec le vieillissement de la population, on pourrait croire que les résidences de ce type se multiplient, or leur croissance est assez lente, malgré tout. Selon les transactions recensées par Centris.ca — Le site de l'industrie immobilière, 1702 ventes de maison intergénérationnelle ont été conclues en 2015, la dernière année pour laquelle les chiffres sont disponibles. « Elles représentent seulement 3,2 % du marché de la revente d’unifamiliales (maisons conventionnelles et intergénérationnelles confondues) », explique Paul Cardinal, directeur du service Analyse du marché à la Fédération des chambres immobilières du Québec (FCIQ).
Les dépenses à considérer
Opter pour une maison intergénérationnelle entraîne des dépenses qui peuvent être plus élevées que prévu. Ainsi, une étude de la FCIQ démontre que ce type de résidence coûte plus cher que les autres. « Ces propriétés se vendent en moyenne à un prix de 15 % supérieur à celui des unifamiliales conventionnelles. Ça peut s’expliquer par le fait que la superficie aménagée y est plus grande », souligne M. Cardinal. Faire construire sa propre maison est également plus coûteux pour la même raison, mais aussi parce qu’il faut généralement prévoir deux cuisines et deux salles de bain, par exemple. Certains songent plutôt à agrandir la maison familiale déjà existante pour y aménager un petit appartement : là encore, ce sont des travaux qui impliquent des coûts très importants.
Sachez aussi que les municipalités ont souvent des exigences précises pour ce genre de maisons. Par exemple, on peut exiger un pare-feu entre les deux logements, ou encore la réfection totale du revêtement extérieur pour uniformiser la façade : ce sont autant de dépenses à considérer. Dans tous les cas, renseignez-vous auprès de votre municipalité afin de connaître la réglementation en vigueur.
Autre élément à ne pas oublier : l’ajout d’un logement a un impact sur les taxes municipales, parce que la valeur de la résidence augmente. Gare aux mauvaises surprises à la réception du compte de taxes!
Ça vaut le coût?
« La question à se poser est simple : combien ça coûte, et combien d’années pense-t-on que cet arrangement durera? » dit Jean-François Rémillard, représentant de courtier en épargne collective à MICA Capital. Si les parents vieillissants projettent de partir en maison de retraite d’ici deux à trois ans par exemple, parce que leur santé décline rapidement, il est clair que le jeu n’en vaut pas la chandelle. « Mais, pour des aînés autonomes qui veulent habiter avec leurs enfants pendant plusieurs années, ça vaut clairement la peine, surtout quand on compare le coût de la cohabitation intergénérationnelle aux loyers demandés dans les maisons de retraite », ajoute M. Rémillard.
Par ailleurs, si la résidence appartient aux parents vieillissants, ceux-ci peuvent tirer plusieurs avantages de la cohabitation intergénérationnelle. « Si la maison est devenue trop grande pour eux et difficile à entretenir, la vendre à l’un de leurs enfants pour qu’il s’y installe avec sa famille constitue une excellente solution. Non seulement la maison demeure dans le patrimoine familial, mais le montant de la vente leur donne également accès à une somme substantielle pour la retraite », fait valoir M. Rémillard. Pour l'enfant qui achète la maison familiale, la transaction peut aussi être avantageuse : le loyer perçu pour le logement des parents servira au remboursement du prêt hypothécaire ou permettra de payer les coûts de l’aménagement du nouveau logement.
De l’aide financière
Il n’existe pas de subvention pour les maisons intergénérationnelles, mais on peut toutefois avoir accès à un programme d’aide à la rénovation offert par sa municipalité. À Montréal par exemple, on peut être admissible aux programmes Rénovation résidentielle majeure ou Rénovation à la carte.
La Société d’habitation du Québec propose un Programme d’adaptation de domicile (PAD) pour aider à réaliser des aménagements répondant aux besoins des personnes âgées en perte d’autonomie, programme dont elle a confié la gestion aux municipalités et aux municipalités régionales de comté. Renseignez-vous auprès de votre municipalité (PAD pour Montréal).
Par ailleurs, lorsqu’on achète ou qu’on fait bâtir une maison intergénérationnelle, il est possible d’avoir droit à un remboursement partiel de la TPS ou de la TVQ, à certaines conditions. Il existe aussi des crédits d’impôt pour les aidants naturels, l'un du gouvernement québécois et l'autre du gouvernement canadien; celui qui relève du gouvernement provincial ne s'applique pas au contexte d’une maison intergénérationnelle, parce que celle-ci comporte deux espaces habitables; en revanche, si l’on respecte les critères requis, on peut bénéficier de celui du gouvernement fédéral.
Et ensuite?
Il faut aussi penser à ce qu’il adviendra lorsque les parents seront partis en maison de retraite ou qu’ils seront décédés, conseille Jean-François Rémillard : « Pourra-t-on obtenir un prix de vente qui tienne réellement compte de ce qu’on a investi dans l’aménagement ou la rénovation du logement? Je n’en suis pas sûr. » Il faut également savoir que, selon l'étude de la FCIQ citée plus haut, la revente d’une maison intergénérationnelle semble demander plus de temps que celle d’une unifamiliale conventionnelle, soit de 17 jours supplémentaires en 2015.
Enfin, la succession est un autre élément important qu'il ne faut pas oublier. « Si la maison intergénérationnelle fait partie du patrimoine familial, on doit prévoir de quelle façon le patrimoine sera géré au moment du décès des parents. »
La maison intergénérationnelle n’est possiblement pas pour tout le monde. Si les avantages financiers de ce modèle ne sautent pas aux yeux, la proximité rassurante de vos parents vieillissants et la commodité d’éventuels échanges de services (garde des enfants, préparation des repas, etc.) pourraient influencer positivement votre décision.