L’achat d’une propriété ne se fait jamais à la légère. Et, parmi les choix difficiles à faire, il y a celui de l’emplacement. La ville et la banlieue offrent toutes deux des avantages et des inconvénients, qui s’avéreront plus ou moins importants selon vos besoins. Voici quelques facteurs à considérer avant de prendre votre décision.

Le coût

On pense souvent qu’il est moins cher d’habiter en banlieue, mais ce n’est pas nécessairement le cas. « En banlieue, le prix des maisons est moins élevé que celui de propriétés comparables en ville. Mais lorsqu’on considère les dépenses liées à la voiture, au bout du compte, ce que ça coûte de vivre en ville et en banlieue se ressemble », explique Pierre-Olivier Pineau, professeur titulaire au département des sciences de la décision à HEC Montréal.

Dans une étude qu’il a réalisée en 2013, le chercheur a tenu compte, en matière de déplacements, du coût que représente l’achat d’un véhicule (et souvent d’un second véhicule pour un ménage), l’essence, les pneus et les assurances d’un côté, et les frais de transport en commun de l’autre. Résultat : « En ville, un couple avec deux enfants et un seul véhicule peut se permettre d’acheter une maison ou un appartement qui coûte 210 000 $ de plus qu’une famille qui vit en banlieue proche et qui a deux autos. » Pourquoi? En excluant les coûts indirects (stationnement, congestion, etc.), le coût d’un véhicule moyen utilisé pour parcourir 20 000 kilomètres est de 10 483 $ par an : c’est l’équivalent d’une hypothèque de 160 000 $.

Mais le transport n’est pas le seul coût à considérer. « En banlieue, il faut prévoir du temps pour entretenir le terrain et la piscine en été et faire le déneigement en hiver, ou bien prévoir un budget pour le faire faire, explique Luce Fecteau, courtier immobilier et directrice générale par intérim de la Chambre immobilière de Québec. Aussi, certaines banlieues ne sont pas desservies par un système d’aqueduc. L’alimentation en eau et la fosse septique, et l’entretien que ça exige, c’est une responsabilité de plus qui est à la charge des propriétaires. »

Par ailleurs, en ville, plusieurs acheteurs misent sur un « plex » en se disant que des revenus de location leur permettront d’acheter une maison à un prix plus élevé. « Mais le problème avec les « plex », dit Martin Provencher, auteur de plusieurs ouvrages sur l’immobilier, c’est qu’ils ont pris beaucoup de valeur depuis les années 2000, mais que les loyers, eux, soumis à la réglementation de la Régie du logement, n’ont pas suivi. Résultat : la plupart des « plex » sont déficitaires aujourd’hui. » De plus, percevoir les loyers et répondre aux demandes des locataires n’est pas toujours une partie de rigolade.

Le temps

Si vous travaillez en ville et que vous souhaitez vivre en banlieue, vous devez aussi considérer les temps de déplacement. « Cette réalité est très différente si vous habitez en banlieue de Montréal ou en banlieue de Québec, nuance toutefois Luce Fecteau. À Montréal, on n’a pas vraiment le choix : entre le travail en ville et la maison en banlieue, il y a facilement une heure de déplacement; à Québec, ce temps est généralement d’une demi-heure. »

Toutefois, les temps de déplacement ne comportent pas que des inconvénients. « Personnellement, j’aime bien avoir une coupure entre mon domicile et mon travail, affirme Martin Provencher. En voiture, j’ai du temps pour moi, j’en profite pour faire des appels professionnels et écouter des livres audio. Je n’ai pas l’impression de perdre mon temps. » Par ailleurs, les technologies nous permettent de plus en plus de travailler de la maison.

Au chapitre du temps, en banlieue, il faut aussi considérer le service de… taxi parental. « Je ne serais pas portée à dire qu’il est plus facile pour une famille de vivre en banlieue, dit Luce Fecteau. Les déplacements pour les loisirs des enfants sont très nombreux! »

L’investissement

L’immobilier est un investissement, et l’emplacement d’une propriété peut avoir un impact sur la valeur qu’elle prendra. « Les propriétés prennent de la valeur, que ce soit en ville ou en banlieue. Ça dépend de plusieurs facteurs, comme la construction d’une route ou d’un métro, la vitalité d’un quartier ou l’état de l’offre, dit Martin Provencher. Par exemple, à Montréal, l’offre de condos a été trop élevée par rapport à la demande au cours des dernières années. Aujourd’hui, Montréal compte 3 000 unités en surplus. Si on hésite entre un condo en ville et une maison en banlieue, au niveau de la valeur, il faut savoir que la maison de banlieue va en prendre plus. »

L’expert en immobilier fait également remarquer qu’il est important de considérer nos besoins à long terme. « L’achat d’une propriété implique généralement 5 % de frais connexes (inspection, évaluation, frais de notaire, droits de mutation, frais de déménagement, etc.). Pour amortir ces coûts, il faut éviter de faire des transactions inutilement, et idéalement, habiter la propriété qu’on achète pendant au moins cinq ans », dit-il. Aurez-vous besoin d’un bureau d’ici là? D’une pièce additionnelle pour un deuxième enfant? Si vous souhaitez fonder une famille dans la prochaine année, l’achat d’un micro-condo dans un quartier en vogue n’est peut-être pas l’option la mieux avisée!

Le style de vie

Évidemment, au final, le choix d’acheter une propriété ne dépend pas que de critères financiers. Vous aurez beau soupeser de la manière la plus rationnelle possible les avantages et les inconvénients, l’un des facteurs les plus importants demeure notre style de vie et nos préférences personnelles. Si l’on préfère un environnement homogène, loin du brouhaha de la ville, ou qu’au contraire on carbure à la diversité et à la proximité de la vie urbaine, les facteurs économiques n’auront que peu d’impact. C’est là, au bout du compte, que l’on voit qui sont vraiment les rats des villes et les rats des champs.