Le hic avec ce genre de régime, c’est qu’un employé risque de trop s’y fier et de penser que tout va se faire tout seul. Non seulement il touchera les prestations du régime de retraite de son employeur, mais il aura droit à celles du Régime de rentes du Québec (RRQ) (ou du Régime de pensions du Canada – RPC) et de la Sécurité de vieillesse (SV). Avec tout ça, la retraite, ce sera du gâteau, non?

C’est peut-être vrai pour les employés qui profitent d’un régime collectif. Toutefois, estime John Hallett, stratège à la Division des régimes collectifs de retraite de la Sun Life, la planification du revenu de retraite – l’étape du décaissement – nécessite plus de réflexion et d’efforts qu’ils imaginent.

« En fait, précise M. Hallett, les gens ne pensent pas beaucoup à la retraite. Ils mettent de l’argent de côté en prévision de cette période de leur vie, mais ils ne savent pas exactement à quoi elle ressemblera. »

Lorsqu’on entame cette réflexion, il vaut mieux commencer par examiner l’écart qui peut exister entre les attentes qu’on a en matière de revenu de retraite et la réalité.

« Le principal problème lorsqu’on envisage le décaissement, reprend M. Hallett, c’est qu’il ne faut plus penser en fonction de l’épargne, mais bien en fonction des sorties d’argent, tout en cherchant à savoir comment on utilisera ces sommes à la retraite. »

Le décaissement exige donc un changement de mentalité. Or, un travailleur peut avoir de la difficulté à comprendre cette notion à une étape de sa vie où il vise surtout à mettre de l’argent de côté. Cela vaut aussi pour les personnes travaillant dans le secteur financier.

Ces professionnels sont doués pour aider les Canadiens à épargner en vue de la retraite. Mais, toujours selon M. Hallett, ils se préoccupent beaucoup moins de la transformation du bas de laine de leurs clients en source de revenus. Compte tenu de l’espérance de vie au Canada, il est possible que ces revenus soient appelés à durer plus de quatre décennies.

Alors, à quel moment doit-on commencer à réfléchir à l’intégration de son régime de retraite d’employeur à son plan financer? Le plus tôt possible. C’est ainsi qu’on augmente ses chances d’atteindre ses objectifs de retraite.

Planificateur financier établi à Winnipeg, Daryl Diamond aide les Canadiens à mettre au point de solides plans de décaissement – en conseillant également ceux qui bénéficient d’un régime d’employeur. Lui aussi est d’avis qu’à cette étape, les gens doivent voir les choses autrement que lorsqu’ils épargnaient et faisaient des placements.

« Même si on est à quelques années de la retraite et qu’on est titulaire d’un régime de retraite qui vaut quelques centaines de milliers de dollars, dit M. Diamond, on ne sait pas nécessairement comment transformer ce montant en une série de versements mensuels durables. »

Pour la plupart des participants, ce n’est effectivement pas une tâche facile, étant donné tous les facteurs dont ils doivent tenir compte :

  • Leur état de santé et leur espérance de vie;
  • L’intégration à leur revenu de retraite de ce qu’ils ont aussi accumulé dans leurs REER et leurs CELI;
  • Le moment où ils peuvent demander leurs prestations de retraite de l’État;
  • L’efficacité fiscale de la planification du revenu;
  • Les règles concernant les diverses options du régime de retraite, comme les garanties des contrats d’assurance, la planification successorale ou la volonté de laisser un héritage.

« On ne peut pas examiner son régime de retraite isolément, ajoute M. Diamond. Il incombe à chacun d’évaluer comment il s’intègre dans sa situation globale. Et la situation de chacun est particulière. »

Cet examen ne se fait pas toujours en temps opportun. L’épreuve de la réalité peut être difficile pour ceux qui l’entreprennent vers la mi-cinquantaine. En effet, certains constateront que la combinaison de leur revenu de retraite et de leurs prestations RPC/RRQ et SV ne leur permettra pas d’atteindre leurs objectifs de retraite. « Ils devront peut-être travailler cinq ans de plus que prévu », dit M. Hallett.

Les promoteurs et les fournisseurs de régimes collectifs de retraite peuvent aider les participants à démêler tout cela.

« Il est d’abord essentiel de convaincre les participants de planifier leur retraite le plus tôt possible, souligne M. Hallett. Et cela peut se faire en milieu de travail, par l’entremise de séances d’information et par la promotion de la littératie financière. »

Le casse-tête des régimes à cotisations déterminées

Pourquoi certaines personnes croient-elles que leur régime de retraite d’employeur suffira à leur procurer un revenu de retraite adéquat? Comme le dit M. Hallett, « on n’est plus à l’époque de nos parents ».

Le nec plus ultra des régimes, la norme au Canada il y a de cela plusieurs dizaines d’années, est le régime de retraite à prestations déterminées (RRPD). C’est un régime auquel cotisent l’employé et l’employeur, tandis que le promoteur du régime a la responsabilité de verser un revenu de retraite au participant jusqu’à la fin de ses jours.

De nos jours, la plupart des régimes de retraite offerts dans le secteur privé sont à cotisations déterminées (RRCD). Dans ce cas, les employés et l’employeur cotisent au régime, et investissent l’actif dans des véhicules de placement en tant que groupe. Lorsqu’il cesse de travailler, l’employé touche une somme d’argent qui lui servira à financer sa retraite, supposément jusqu’à la fin de ses jours. C’est à lui qu’il incombe de décider comment utiliser cet argent pour en faire une source de revenus réguliers.

Les RRPD constituent des dettes financières à long terme pour les promoteurs de régimes. C’est pour cette raison que ce type de régime est une denrée rare dans le secteur privé, bien qu’il soit toujours la norme dans le secteur public. Et comme M. Diamond le souligne, la planification des revenus est plus complexe dans le cas des RRCD que des RRPD.

« Dans le cas des RRPD, dit-il, il y a moins de variables à prendre en considération et moins de choix. »

Les principaux facteurs sont :

  • L’âge du participant au moment du décaissement;
  • L’intégration du RRPD aux diverses sources de revenu de retraite.

Comparativement, le titulaire d’un RRCD peut convertir une partie ou la totalité de son régime en rente, et il peut choisir de le gérer seul ou avec l’aide d’un conseiller parmi un large éventail d’options.

Il peut aussi en convertir une partie en fonds de revenu viager (FRV). Parfois, l’administrateur du régime offre des options de gestion « tout-en-un » qui réduisent de beaucoup le risque du portefeuille de retraite et visent à générer un revenu durant toute la retraite du participant.

« Le RRCD ne garantit pas la proverbiale retraite dorée, dit M. Diamond, mais il offre des options et, en fin de compte, plus de souplesse que le RRPD. »

Les promoteurs de régime peuvent aider les participants de plusieurs façons, notamment en les informant de leurs options de décaissement et en les encourageant à consulter un planificateur financier.

« Il faut veiller à ce que les gens aient des attentes et un plan de retraite réalistes compte tenu de leur situation », précise M. Hallett.

Que pouvez-vous faire compte tenu des différentes options qui s’offrent à vous pour gérer votre revenu de retraite? Quelles solutions conviennent à tel ou tel type de personne? Voilà des sujets que nous aborderons dans la prochaine publication de cette série sur le décaissement.

John Hallet est stratège à la Division des régimes collectifs de retraite de la Sun Life. Fort d’une expérience de 40 ans dans le secteur des régimes de retraite, John est membre du conseil de L’Association canadienne des administrateurs de régimes de retraite (ACARR) et fait partie du sous-comité de l’ACARR sur Le décaissement, prochaine frontière critique.

Conseiller financier, Daryl Diamond se spécialise dans la planification du revenu de retraite depuis plus de 30 ans. Il est l’auteur de Your Retirement Income Blueprint, un succès de librairie, et vient de publier Retirement for the Record.