Au moment de ma dernière chronique, en mai, de nombreux promoteurs reprenaient leur souffle après avoir vu les niveaux de provisionnement des régimes faire des tours de montagnes russes. Après une forte baisse plus tôt dans l’année, les niveaux de provisionnement se sont peu à peu rétablis. Néanmoins, les marchés demeuraient incertains et l’on ne savait pas à quoi s’attendre.

Heureusement, les derniers mois ont été porteurs de bonnes nouvelles pour les promoteurs, compte tenu de la progression constante des marchés boursiers. Il s’en est suivi un net rebond des niveaux de provisionnement. Le ratio de solvabilité médian d’Aon est passé de 102,5 % à la fin de 2019, à 89,1 % au 31 mars, puis à 95,4 % au 30 juin. Les niveaux de provisionnement sont toujours inférieurs à ceux du début de l’année, mais beaucoup de régimes à prestations déterminées (PD) se rapprochent à nouveau du provisionnement intégral.

Les promoteurs avisés profitent de ce répit pour réévaluer les risques associés à leur régime de retraite. Certains songent à améliorer la concordance entre leurs actifs et leurs engagements ou à souscrire des rentes pour réduire les risques liés à leur régime.

Dans son dernier bulletin Le pouls du marché des rentes collectives, Willis Towers Watson indique que le contexte actuel présente des occasions d’achat de rentes. Voilà une bonne nouvelle pour les promoteurs qui cherchent une solution pour débarquer de ces montagnes russes. L’incertitude règne toujours sur les marchés et avoir des niveaux de provisionnement plus constants aiderait à faire face à la prochaine période de ralentissement.

En contrepartie, on entend dire que certains promoteurs envisagent de maintenir, voire d’augmenter, les risques associés à leur régime. Après tout, certaines provinces ont assoupli les exigences de capitalisation du déficit de solvabilité, ce qui pourrait réduire l’impact des pertes de placement futures sur les cotisations requises. Il peut paraître judicieux – selon certains – de doubler la mise et d’espérer que cela permettra de régler le déficit du régime de retraite.

Néanmoins, nous savons par expérience que le jeu n’en vaut pas la chandelle. La stratégie d’un régime de retraite type consiste à faire de multiples paris sur les marchés boursiers, les taux d’intérêt, les conditions de crédit, les taux de change et l’espérance de vie. Les sociétés doivent constamment remporter ces paris puisque les gains tirés de paris réussis peuvent être anéantis par les pertes résultant de paris ratés. Il est très difficile de gagner constamment plusieurs paris de suite, notamment parce que les marchés sont devenus plus imprévisibles depuis 20 ans.

L’indice Mercer de la santé financière des régimes de retraite montre qu’un régime PD type est au même niveau de provisionnement qu’il y a 20 ans, même si les promoteurs de régime canadiens ont versé des milliards de dollars en cotisations pour combler les déficits au cours de cette période. Par conséquent, les promoteurs qui envisagent de maintenir ou d’augmenter les risques associés à leur régime de retraite pourraient gagner à vérifier si ce dernier correspond au profil type. Autrement dit, leur stratégie de gestion d’actif leur fait-elle gagner ou perdre de l’argent? Ont-ils remporté certains paris, mais perdu d’autres? Cet exercice peut mettre en lumière ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Il peut ainsi aider les promoteurs à adopter de meilleures stratégies de gestion d’actif à l’avenir.

Un examen de la stratégie de gestion d’actif consisterait à additionner les cotisations versées pour combler les déficits sur une période de temps raisonnable, disons les 15 ou 20 dernières années. Ensuite, il s’agit de comparer ce résultat à l’évolution du niveau de provisionnement du régime sur cette même période.

En gros, le calcul détermine si le niveau de provisionnement du régime s’est amélioré dans des proportions supérieures aux cotisations versées. Si ce n’est pas le cas, cela signifie que les pertes ou les inadéquations entre les actifs et les passifs ont absorbé une partie ou la totalité des cotisations versées, ce qui se traduit par une réduction de la valeur des actionnaires.

Dans les faits, le calcul peut s’avérer assez complexe et les promoteurs peuvent vouloir faire appel à leurs consultants. Le calcul devrait tenir compte d’autres facteurs, comme le risque de longévité, la majoration des prestations ou les congés de cotisations, ainsi que l’inadéquation entre le provisionnement de solvabilité et les frais courants. Ce calcul pourrait être effectué selon le risque, en indiquant ceux qui ont été récompensés et ceux qui sont restés sans suite.

L’examen de la stratégie de gestion d’actif peut donner lieu à des discussions franches. Par exemple, si la stratégie d’un promoteur n’a pas créé de valeur ajoutée dans le passé, pourquoi le ferait-elle maintenant? Même si elle a créé une valeur ajoutée dans le passé, sera-t-elle efficace à l’avenir, alors que la volatilité accrue des marchés semble être la nouvelle norme?

Avec un peu de chance, les promoteurs de régime qui se soumettent à cet exercice constateront qu’ils ont créé de la valeur pour les actionnaires et protégé les prestations des participants. Sinon, il serait préférable de changer de stratégie plutôt que de s’entêter.

La reprise des marchés a donné aux promoteurs une occasion rêvée de revoir les risques associés à leur régime et de réfléchir aux moyens de les réduire. En fin de compte, on pourrait obtenir un trio gagnant : moins de soucis pour les promoteurs, une sécurité accrue des prestations des participants et de meilleurs rendements pour les actionnaires.

 

La version originale de cet article a été publiée en anglais par le Canadian Investment Review, le 27 août 2020.