Deux principales stratégies s’offrent aux promoteurs d’un régime de retraite à prestations déterminées (PD) qui souhaitent mieux gérer les risques: le transfert des risques liés au régime de retraite grâce à l’achat de rentes ou la conservation des risques.

La mise en veilleuse d’un régime de retraite pour les retraités (certains parlent alors de régime en « hibernation ») est une stratégie qui consiste à conserver les risques, mais à établir une forte concordance entre les éléments d’actif et de passif pour en réduire les risques. Les compagnies d’assurance investissent leurs actifs de rentes de façon similaire, avec un faible degré de risque. Le fait de mettre le régime en « hibernation » est donc souvent décrit comme étant une rente gérée par le promoteur.

Cette stratégie peut être intéressante pour tous les régimes PD, mais elle est parfois mal évaluée par rapport à l’achat de rentes. J’aimerais rétablir les faits et fournir aux promoteurs une image plus complète de ce en quoi consiste la mise en veilleuse d’un régime de retraite pour les retraités.

Le but de cette stratégie est de conserver les risques liés au régime de retraite à long terme – peut-être 50 ans dans le cas d’un régime comptant de jeunes retraités – et d’éviter le coût associé à l’achat de rentes.

Mais, de quelle manière le promoteur peut-il évaluer les économies ainsi réalisées? Une approche consiste à comparer le rendement que le régime peut obtenir sur ses éléments d’actif à celui d’une rente collective. Autrement dit, à quel pourcentage de rendement le régime de retraite doit-il renoncer s’il investit dans une rente collective? 

Pour comparer des pommes avec des pommes, les taux de rendement doivent être rajustés pour tenir compte des différences entre les deux options sur le plan des risques et des frais. Ce rajustement s’effectue en plusieurs étapes.

1ère étape : Répartition de l’actif

Au 30 juin, le taux de rendement d’une rente était 75 points de base supérieur à celui d’un portefeuille passif d’obligations publiques de durée comparable.

Donc, pour qu’un portefeuille mis en veilleuse soit rentable, un promoteur doit être prêt à investir dans des actifs à revenu fixe afin de générer un rendement beaucoup plus élevé que celui du portefeuille passif d’obligations publiques. Cela nécessite habituellement une forte pondération d’actifs illiquides et d’obligations de sociétés.

Si le promoteur n’est pas à l’aise de détenir ces types de placements, l’achat de rentes sera alors plus rentable.

2e étape : Risque de placement

Une rente transfère le risque de placement (tel que le risque de défaillance d’une obligation ou le risque de décalage de taux d’intérêt) à la compagnie d’assurance. Pour avoir une comparaison juste entre la stratégie de mise en veilleuse et la stratégie d’achat de rentes, il faut réduire le rendement généré par la stratégie de mise en veilleuse pour refléter le risque de placement que conserve le promoteur de régime.

Le coût de la protection contre le risque de placement est difficile à estimer. Un indicateur est le coût de l’assurance qui permet de protéger le souscripteur contre le risque de défaillance d’obligations. Le coût de ce type d’assurance s’est maintenu dans une fourchette allant de 50 à 70 points de base pendant la majeure partie des 5 dernières années, selon l’indice Markit CDX North America Investment Grade (5 ans). Cet indice repose sur un panier de swaps sur défaillance de crédit de bonne qualité noté BBB en moyenne.

3e étape : Risque de longévité

Une rente transfère également le risque de longévité à la compagnie d’assurance. Selon la stratégie de mise en veilleuse, le promoteur conserve ce risque. Le risque de longévité est le risque que les participants vivent plus longtemps que la durée de vie du régime estimée par les actuaires, par exemple en raison de progrès de la médecine et de modes de vie plus sains.

Au cours des 40 dernières années, le risque de longévité a coûté aux promoteurs de régime un montant représentant de 25 à 30 % des engagements, selon les estimations de la Sun Life. En me basant sur ces résultats antérieurs et les prix actuels du marché pour l’assurance longévité, j’estime que le coût de conservation du risque de longévité se situe dans une fourchette allant de 40 à 60 points de base par année. Le rendement obtenu dans le cadre d’une stratégie de mise en veilleuse devrait donc être réduit afin de refléter ce risque.

4e étape : Frais futurs

Comme je l’ai mentionné précédemment, l’objectif d’une stratégie de mise en veilleuse est de prolonger la durée de vie du régime de plusieurs décennies. Le promoteur continuera alors d’engager des frais, tant à l’interne qu’à l’externe, tels que les suivants :

  • Frais administratifs (p. ex., frais actuariels, frais juridiques, frais comptables, frais des RH, frais de gestion administrative liés aux participants, droits réglementaires)
  • Frais de gestion de placements
  • Frais afférents au Fonds de garantie des prestations de retraite (s’il y a lieu)

Par contre, l’achat de rentes élimine certains ou même l’ensemble de ces frais pour les retraités couverts. La réduction du taux de rendement liée aux frais administratifs varie selon le régime, mais peut se situer entre 10 et 20 points de base par année. Les frais de gestion de placements associés à un portefeuille mis en veilleuse et ayant une forte pondération d’actifs illiquides et d’obligations de sociétés pourraient réduire le taux de rendement d’un autre 25 points de base par année. Le rendement obtenu dans le cadre d’une stratégie de mise en veilleuse devrait aussi être réduit afin de refléter ces frais.

Conclusion

En résumé, un promoteur qui souscrit une rente avec rachat des engagements pourrait en arriver à un rajustement du taux de rendement de 150 points de base. Cela signifie que pour que la stratégie de mise en veilleuse ait un profil semblable à celui d’une rente collective sur le plan des risques et des frais, le promoteur doit obtenir un taux de rendement sur les actifs qui soit d’au moins 150 points de base supérieur à celui d’une rente.

Ce taux de rendement minimal sera différent pour chaque promoteur de régime. De plus, il y a plusieurs autres facteurs à considérer au moment de choisir entre une stratégie de mise en veilleuse et une stratégie d’achat de rentes, tels que l’impact sur les résultats comptables, les cotisations en espèces, la sécurité des prestations et le risque opérationnel. Il peut s’avérer utile de faire appel à un consultant pour évaluer tous ces facteurs.

La manière dont un promoteur gère les risques liés au régime de retraite peut avoir des répercussions importantes sur ses activités principales et sur la sécurité des prestations des participants. Il vaut mieux, donc, tenir compte de tous les faits lorsque vient le moment de choisir une stratégie de réduction des risques.

 

La version originale de cet article a été publiée en anglais par le Canadian Investment Review, le 11 novembre 2020.