Brent Simmons a rédigé un article dans le Globe and Mail. Selon lui, les stratégies risquées appliquées aux régimes de retraite PD au cours des 20 dernières années ont miné la valeur pour les actionnaires de bien des sociétés canadiennes. Dans le contexte économique actuel, il explique pourquoi elles ne conviennent plus.

Points clés :

  • La stratégie que les sociétés privées canadiennes ont appliquée à leur régime de retraite PD pendant 20 ans n’a pas fonctionné. Ces sociétés ont versé 158 milliards de dollars entre 1999 et 2018 pour éponger les déficits de leurs régimes de retraite (Statistique Canada).
  • Une meilleure avenue est possible pour les régimes de retraite PD. Les sociétés avant-gardistes réalisent qu’il vaut mieux prendre des risques dans leurs activités de base et non à l’égard de leur régime de retraite.
  • Les sociétés canadiennes ont la possibilité de gérer plus efficacement les risques liés à leurs régimes de retraite.

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Le modèle d’affaires des régimes de retraite PD a échoué – et tout le monde en paie le prix

BRENT SIMMONS
TEXTE PUBLIÉ DANS LE GLOBE AND MAIL
septembre 2019 

Brent Simmons est directeur général principal et chef des Solutions prestations déterminées à la Sun Life

Au cours des 20 dernières années, bon nombre de sociétés privées canadiennes ont continué d’appliquer à leurs régimes de retraite à prestations déterminées (PD) les stratégies risquées des décennies précédentes. Hélas, durant cette période, ces stratégies leur ont coûté près de 158 milliards de dollars, en plus de compromettre la sécurité de la retraite de millions de personnes.

Bien des entreprises ont donc abandonné ces approches périlleuses, mais elles sont encore étonnamment nombreuses à persister dans cette voie. Pour mieux comprendre la nécessité de nouvelles stratégies, envisageons le régime de retraite PD comme une division de l’entreprise – la division du régime PD.

Les employés d’une société prêtent de l’argent à la division du régime PD sous forme de salaires différés. En contrepartie, la société promet de leur verser une rente lorsqu’ils prendront leur retraite. Dans l’intervalle, la division du régime PD investit cet argent pour être en mesure de payer les rentes promises.

Cependant, dans bien des cas, la façon dont cet argent est investi par la division du régime PD n’est pas appariée aux promesses de type obligataire faites aux employés. La division parie sur les marchés boursiers et les taux d’intérêt dans l’espoir d’obtenir un surcroît de rendement qui lui permettra de payer à moindre coût les rentes promises.

Vous voyez-vous en train de dire à votre première directrice financière que vous avez eu l’idée d’une nouvelle activité géniale consistant à emprunter de l’argent et à l’investir à la bourse pour procurer un rendement excédentaire aux actionnaires? J’ai l’impression que la conversation serait brève et limiterait vos perspectives de carrière.

Pourquoi voudriez-vous que cette même idée fonctionne avec un régime de retraite PD? Cela n’a manifestement pas été le cas depuis 20 ans.

Après bien des fluctuations, les régimes PD se retrouvent en moyenne essentiellement au même niveau qu’il y a 20 ans du point de vue du provisionnement.

Pourtant, les entreprises ont typiquement versé des sommes importantes à leur division du régime PD durant cette période. Selon Statistique Canada, les sociétés canadiennes ont versé près de 158 milliards de dollars pour éponger les déficits de leurs régimes de retraite entre 1999 et 2018. Autrement dit, la division du régime PD typique a affiché un rendement négatif – faisant subir une destruction de valeur aux actionnaires qui ont investi dans la société.

Si le modèle d’affaires avait réussi, la division du régime PD typique serait maintenant provisionnée bien au-delà de 100 % et les cotisations de 158 milliards de dollars n’auraient pas été nécessaires.

Il n’est pas surprenant que certaines de ces divisions s’en soient tenues à leur modèle d’affaires traditionnel au cours des 20 dernières années. Après tout, les taux d’intérêt atteignaient des planchers historiques et on s’attendait généralement à ce qu’ils montent; de plus, les marchés boursiers procuraient des rendements excédentaires depuis longtemps.

Pourquoi les choses ne se sont-elles pas passées comme prévu? Ce modèle d’affaires suppose de multiples paris sur les marchés boursiers, les taux d’intérêt, les conditions de crédit, les taux de change et l’espérance de vie. Les sociétés doivent constamment remporter tous ces paris puisque les gains tirés de paris réussis peuvent être anéantis par les pertes résultant de paris ratés.

Il est très difficile pour une division du régime PD de réussir des paris multiples – notamment parce que les marchés sont devenus plus imprévisibles depuis 20 ans. De plus, la majorité des sociétés se fient aux mêmes gestionnaires de placement que leurs concurrentes, privant ainsi leurs actionnaires d’un avantage concurrentiel.

Devant ces défis, bien des sociétés avant-gardistes arrivent à la conclusion que le modèle d’affaires de la division du régime PD ne fonctionne plus – conclusion logique pour une division qui perd de l’argent depuis 20 ans.

Ces entreprises commencent par réaliser qu’il vaut mieux prendre des risques dans leurs activités de base plutôt qu’au niveau de leur division du régime PD. General Motors a été l’une des premières à formuler cette stratégie. En 2012, son vice-président aux finances et trésorier Jim Davlin a déclaré que «notre raison d’être est de produire d’excellentes voitures – c’est notre compétence clé – et non de gérer des placements de retraite visant à procurer un revenu viager à nos employés».

Ensuite, ces sociétés changent le modèle d’affaires de leur division du régime PD pour mieux gérer les risques. Elles investissent l’actif du régime pour qu’il concorde avec le passif ou transfèrent des segments du régime à des assureurs par la souscription de rentes viagères.

Conclusion? Tout le monde paie le prix de l’échec d’une division du régime PD. Ne perdons pas de vue l’objectif qui a présidé à la création des régimes de retraite – aider les Canadiens à se préparer à la retraite. N’est-il pas temps d’adopter une meilleure gestion des risques et de passer à un modèle d’affaires qui fonctionne?